Le monstre-calebasse et le bélier divin (Extrait
de "L'arbre à Soleils" de Henri Gougaud |
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Une
calebasse monstrueuse était posée devant une hutte en ruine
à l'entrée du premier village humain, et chaque fois que quelqu'un
s'approchait d'elle, elle le dévorait. Elle s'ouvrait en deux et
se refermait, comme une porte qui claque, sur les malheureux imprudents
venus l'examiner de trop près. Ainsi, cette calebasse engloutit,
les uns après les autres, tous les habitants du village. Seule une
femme nommée Kalba, qui vivait avec son fils dans la forêt,
fut épargnée, ainsi qu'une sorcière si vieille qu'elle
ne pouvait pas sortir de sa hutte, Or, un jour, le fils de Kalba échappe
à sa mère, s'en vient rôder autour du monstre-calebasse,
qui ne dormait jamais que d'un œil et voilà l'enfant dévoré.
Alors Kalba s'arrache les cheveux, hurle sa douleur, la tête levée
vers le ciel, puis trébuchant, s'en va chez la vieille sorcière
et lui dit :
Kalba remercie la sorcière, prend le piment magique et s'en va vers le soleil couchant. Elle voyage jusqu'au crépuscule. Parmi les hautes herbes, elle découvre, un rocher gris, haut comme un géant chaotique. Elle frotte le piment contre, la paroi. Aussitôt elle entend comme un roulement de tonnerre, et le roc lentement se fend. Kalba descendit dans le ventre de la terre. Elle marche sur un chemin de pierre tracé dans une plaine couleur de fer. Dans le ciel de pierre brille un petit soleil-caillou. Elle marche elle ne sait combien de temps, car le soleil-caillou du ventre delà terre ne se couche jamais. Elle marche jusqu'à ce que ses pieds soient lises. Alors apparaît au bout du chemin une hutte d'or. Kalba parvient devant cette hutte d'or à quatre pattes, tant elle est épuisée. Elle pousse la porte. Au milieu de la pièce ronde un grand bélier est assis sur son derrière, un bélier a la toison rouge, aux cornes couleur de feu enroulées sur ses tempes. Il regarde Kalba effondrée à ses pieds. II lui dit :
Elle répond :
Ensemble ils reviennent sur la terre. Ils sortent du rocher. Voici l'herbe verte à nouveau, le ciel bleu, les arbres. Le bélier galope jusqu'au village, dépose Kalba devant la hutte de la vieille sorcière. Il entre, majestueux. La sorcière le salue et se met à chanter. Elle chante, les mains ouvertes devant sa figure ridée, elle chante les méfaits du monstre-calebasse. Le bélier divin, devant elle, renifle comme s'il flairait le son de sa voix. Le chant de la vieille allume du feu dans ses naseaux et fait rougeoyer ses cornes comme des braises. Il gratte le sol du sabot, furieusement. Maintenant, il s'en va, le bélier embrasé, par les ruelles du village, et le chant de la sorcière l'accompagne. Là-bas, devant sa hutte en ruine, la calebasse grince et se réveille, et se met à rouler à la rencontre du bélier qui fonce sur elle, tête baissée. Le choc est si terrible que l'on entend son fracas jusque dans les étoiles. Le bélier divin, comme un caillou jeté, disparait au fond du ciel mais la calebasse se brise comme un œuf mûr. Tous ceux qu'elle avait dévorés sont ainsi remis au monde. Mais écoutez la plus étrange merveille qui soit : dans le ventre de la calebasse, les hommes étaient couchés les uns sur les autres, sur quatre rangs superposés. Ceux du haut maintenant sont blancs, ceux de la deuxième couche sont jaunes, ceux de la troisième sont rouges, et les derniers, ceux sur qui reposait tout le monde, sont noirs. Ainsi furent créées les quatre races humaines. Telle est la vérité. Ceux qui ne me croient pas ne sont que des enfants aveugles : ils ne comprennent rien aux mystères du monde. |
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